Écrire et transmettre

Coordinatrices : Brigitte Gauvin et Édith Parmentier

Les travaux rassemblés dans la thématique 3 s’intéressent aux textes, sources d’information et objets d’étude à part entière sous les aspects des conditions de production, de la genèse et de la mise en forme, du fonctionnement rhétorique, de leur réception dans leur contexte d’origine et leur transmission à travers les âges jusqu’à nos jours.

La diversité des périodes (Antiquité, Moyen Âge, Renaissance) et des zones géographiques étudiées par les membres de l’équipe (Mésopotamie, mondes grec et byzantin, occident latin, mondes germanique et scandinave) permet de nombreuses comparaisons sur le long terme, du point de vue linguistique et typologique (textes documentaires et textes littéraires, parmi lesquels on trouve des œuvres scientifiques (encyclopédiques, philosophiques et historiographiques), et des créations proprement littéraires (poésie et fictions narratives). Une partie des textes étudiés a été composée au sein des Mondes nordiques et normands médiévaux, en particulier certains textes ressortant du genre historiographique, les textes documentaires et les œuvres diverses composées ou rassemblées au Mont Saint-Michel. Ces productions, objets de programmes pluridisciplinaires, seront ici interrogées sous des angles différents.

Les travaux, individuels et collectifs, relevant de ces différents corpus, portent sur les textes et les documents anciens tout au long du processus de médiation (création, lectures et réécritures, éditions). Il s’agit de lier l’étude des conditions matérielles de production et de transmission des différentes formes textuelles à l’analyse de leur contenu et de leur signification ; il s’agit aussi d’en assurer l’accès et la compréhension par les lecteurs actuels et futurs. Les recherches s’articulent autour des thématiques suivantes :

Programme 1. Productions et pratiques textuelles

Cet axe englobe les recherches sur l’histoire des formes et genres littéraires et sur les pratiques documentaires ; il réunit donc des travaux concernant l’origine de la chaîne de transmission des savoirs. On étudie comment les textes, littéraires ou documentaires, se créent, dans quel contexte, avec quels objectifs, et comment le genre dans lequel ils s’inscrivent influe sur leur forme et sur leur contenu.

Formes et genres littéraires

Cette première section englobe :

  • Les recherches de L. Romeri sur le genre convivial grec et ses rapports avec la pratique conviviale en Grèce ancienne, et sur la rhétorique : étude du discours rhétorique du point de vue de son fonctionnement et de ses enjeux dans la cité démocratique en Grèce aux Ve et IVe siècles av. J.C. (Platon, notamment La République et Les lois, et Aristote, Rhétorique).
  • Les travaux de métrique d’A. Foucher (Autour de l’enjambement, Caen, Presses universitaires de Caen, à paraître, en collaboration avec A.-I. Muñoz).
  • Les travaux de C. Jouanno sur le genre épique (étude sur « Chant et musique dans l’épopée byzantine Digénis Akritas» pour un « workshop » sur « Motif, influences and narrative strategies in the epics of the medieval East and West », Sweedish Research Institute in Istanbul (17-18 sept. 2020, org. Ingela Nilsson) et sur le genre de la fable : étude sur « Ésope et ses fables, de l’oralité à l’écriture » pour une journée d’étude sur « Effets esthétiques et culturels de la révolution de l’écrit »  ; à ce genre ressortit aussi l’article de B. Gauvin sur les animaux aquatiques dans la tradition.
  • Les travaux de F. Paquet et S. Lecouteux sur l’historiographie, notamment en milieu monastique, et sur la diplomatique abbatiale, qui ont donné lieu à un colloque international au Centre culturel de Cerisy-la-Salle (2019), « Façonner l’histoire et maîtriser le temps. Les historiens normands aux époques médiévales et modernes », à paraître aux Presses Universitaires de Caen en 2022 ; les travaux de M.-A. Lucas-Avenel sur les choix présidant à la composition, à la forme (prose, vers, prosimètre) et au niveau de langue des œuvres historiographiques composées dans les états normands médiévaux (Normandie, Italie du Sud).
  • Les études de L. Chevalier sur les ordinaires liturgiques, comme support des pratiques cultuelles mais aussi comme objets littéraires.

Une recherche collective sur la littérature fragmentaire et les œuvres compilatoires a été initiée à partir de 2018, suite à l’arrivée au Craham d’Édith Parmentier ; y ont contribué C. Dumas-Reungoat, C. Delaplace, C. Jacquemard et É. Parmentier ; puis C. Jouanno, L. Romeri et É. Parmentier. Un colloque sur ce sujet est organisé en juin 2022 à l’IMEC pour une publication en 2023. L’objet de la recherche est d’aborder les textes fragmentaires par le biais de leur transmission : compilations littéraires (Athénée, Etienne de Byzance, Macrobe, Stobée, les Excerpta constantiniens, etc.) et auteurs qui sont eux-mêmes de véritables réservoirs de fragments (Diodore, Plutarque, Polyen, etc.). On se demande notamment dans quelle mesure on peut restituer un passage fragmentaire dans son contexte historiographique d’origine, en sachant à quel point il est transformé par son contexte de transmission.

Documents de la pratique

Les documents étudiés par les membres de l’équipe ont été produits dans les mondes nordiques et médiévaux, mais ce sont moins les contenus informatifs et historiques qui sont ici interrogés (aspect développé dans le thème 1), que les conditions de production et de composition.

Les écrits étudiés ressortissent principalement aux catégories suivantes :

  • Travaux sur les pratiques de l’écrit en milieu cathédral et monastique, principalement dans l’Europe du Nord-Ouest (commun avec thème 1), avec notamment :
  • les travaux de M. Bloche sur Le chartrier de l’abbaye de la Trinité de Fécamp (publication de la thèse soutenue en 2019) ;
  • Les travaux de G. Combalbert : à partir des corpus diocésains d’actes épiscopaux publiés dans le cadre de l’ANR Actépi (2019-2022), plusieurs études sont menées sur les formes et la structure des actes, les formules utilisées et les influences documentaires perceptibles dans ces actes. À partir de ces études, les conditions de rédaction des actes sont interrogées : rédaction par les bénéficiaires ou par les chancelleries épiscopales, méthodes de travail des scribes notamment. La question de la typologie des actes épiscopaux est posée. S’inscrivent dans le cadre de ces travaux : l’article dans les actes du colloque de Cerisy (2016) « Écrire à l’ombre des cathédrales » par G. Combalbert et C. Senséby (Université d’Orléans – POLEN-CESFIMA) ; les comptes rendus, sous la forme de billets de blog (carnet hypotheses) des travaux des workshops organisés dans le cadre de l’ANR Actépi sur les problèmes liés à la définition des actes épiscopaux et des corpus (les « cas limites ») et à la typologie des actes épiscopaux ; la co-organisation du premier colloque prévu dans le cadre de l’ANR Actépi,  consacré à la production des actes épiscopaux : hommes, techniques, influences, évolutions documentaires. Les contributions à ce colloque s’appuient massivement sur l’analyse de la documentation éditée dans le cadre d’Actépi mais aussi dans le cadre du projet NORÉCRIT (RIN 2018-2021) pour ce qui concerne les actes des archevêques de Rouen au XIIIe siècle. Les actes de ce colloque doivent être publiés.
  • Les travaux de G. Combalbert et d’E. Mancel sur les registres archiépiscopaux rouennais du XIIIe siècle, en particulier le « registre des églises », plus ancien pouillé normand conservé, qui fait l’objet d’une publication numérique et d’une étude, dans le cadre du projet NORÉCRIT (RIN).
  • Les études sur les recueils de coutumes de villes : dans le cadre du projet NORÉCRIT, ces textes bénéficient d’une édition critique (L. Jean-Marie, L. Retoux). L. Jean-Marie étudie la manière dont sont composés les coutumiers. L’analyse de leur structuration à partir de l’édition électronique et leur indexation doivent en faciliter l’étude comparée. On s’intéresse aussi à la question des traductions, des versions successives en français, de la complémentarité et de l’opposition écrit/oral.

Programme 2. Réception, conservation et transmission 

Cette deuxième thématique s’inscrit dans la continuité de la première en présentant des recherches sur la circulation des textes et la transmission des savoirs dans les domaines qui intéressent certains chercheurs de l’unité : la philosophie, la politique, la rhétorique, la philosophie naturelle et l’historiographie. On s’intéresse aussi aux figures qui sont l’objet d’une translation : pourquoi et comment certaines figures sont-elles l’objet d’une translation constante, et comment sont-elles reçues et enrichies ou transformées ? Mais la transmission est également étudiée dans son aspect concret : comment les textes sont-ils, matériellement, transmis et diffusés ? Comment les conserve-t-on ? Comment organise-t-on leur classification ? Les textes sont ainsi abordés dans une double dimension, intellectuelle et matérielle

Fortune des idées et des doctrines

Certains champs du savoir sont au cœur des recherches menées dans le thème 3.

Les champs de la philosophie et celui de la politique se croisent dans le cadre de la réflexion menée par L. Romeri sur Platon et la cité : étude de la question du politique dans les textes de Platon. Au sein de cette question, deux pistes se dégagent tout particulièrement : le questionnement (dans la République et dans les Lois) relatif à la faisabilité des différentes formes constitutionnelles que Platon propose (caractère idéal ou réalisable et finalité des projets politiques platoniciens) ; une réflexion sur la cité et le politique dans son lien avec la rhétorique. Le questionnement porte sur la place et l’enjeu du discours rhétorique au sein de la cité grecque antique, dans le but de mettre en exergue les rapports entre discours et pouvoir, parole et action, rapports que l’on peut reconnaître jusque dans les discours des chefs des poèmes homériques. Philosophie, politique et rhétorique se croisent et s’interrogent mutuellement sur des questions communes (l’homme, la cité, la vertu, la vérité, le bonheur, le pouvoir…) qu’elles s’approprient chacune avec ses formes et ses finalités. On y ajoutera les études d’E. Parmentier sur le vocabulaire politique en Grèce antique, en particulier sur le lexique aristotélicien, pour montrer que dans la Politique, le philosophe-historien n’associe pas l’infériorité sociale à la médiocrité politique.

Le champ de la politique, associé cette fois à la poésie, est aussi au centre du cycle du séminaire pluridisciplinaire du Craham intitulé « Poésie et politique ». On entend ainsi prolonger les travaux sur la poésie médiévale, initiés en 2014 à travers le colloque « Autour de Serlon de Bayeux : la poésie normande aux XIe-XIIe siècles », par la poursuite d’un cycle du séminaire transpériodique dès 2020 (A. Gautier, M.-A. Lucas-Avenel), et par l’organisation d’un colloque international au Centre culturel de Cerisy-La-Salle en 2021 sur « Poésie et politique dans les mondes normands médiévaux (IXe-XIIIe siècle) » (dir. A. Gautier, M.-A. Lucas-Avenel, L. Mathey-Maille (univ. du Havre)).. On étudie les poèmes composés sur un vaste territoire – celui des diasporas vikings et normandes, de l’Islande à l’Italie méridionale (îles Britanniques, Scandinavie, Rus’ kiévienne, une partie de l’Orient latin) – pour examiner la manière dont la poésie (1) s’inscrit dans un contexte politique particulier (poésie encomiastique, satirique) ; (2) est le lieu d’une représentation des pouvoirs politiques ou de transmission de conceptions morales ou religieuses (miroirs des princes, poésie didactique, gnomique…) ; (3) peut être préférée à la prose pour véhiculer des idées politiques.

Le champ de la philosophie naturelle est au centre des travaux de B. Gauvin, C. Jacquemard, M.-A. Lucas-Avenel et T. Buquet sur l’histoire de la réception des traités d’ichtyologie, de l’Antiquité à la Renaissance, avec un intérêt particulier porté aux encyclopédies médiévales : recherches sur les sources antiques (Aristote, Pline l’Ancien) utilisées dans les encyclopédies médiévales, étude des procédés de remploi mis en œuvre par les compilateurs  (projets Ichtya : Bibliothèque virtuelle des encyclopédies antiques et médiévales et thesaurus ichtyonymique), identification des espèces, études sur des points spécifiques (T. Buquet sur la transmission des savoirs zoologiques concernant la baleine et l’ambre gris, B. Gauvin sur la description des liens de parentalité chez les poissons et les problèmes de zoonymie). Les études sur le domaine icthyologique se poursuivent à travers les journées d’étude annuelles, un colloque international (2021) en collaboration avec le GDRI Zoomathia et des articles. Un nouveau volet concernant l’iconographie est en projet. À ces travaux sur la transmission des savoirs zoologiques se rattachent aussi les recherches de T. Buquet concernant la connaissance de la faune du Grand Nord, du VIIIe au XVIe siècles et visant à la création d’une base de données bibliographiques (Dyrin).

Fortune des figures et œuvres de l’Antiquité

Parmi les savoirs disciplinaires émergent des figures spécifiques, imaginaires ou réelles, animales ou humaines, dont le fort pouvoir de fascination et d’appropriation fait qu’ils traversent les siècles et apparaissent de manière récurrente. Plusieurs travaux, menés dans une perspective littéraire et comparatiste, étudient comment s’opèrent ces translations, les raisons de la fascination, les éléments qui disparaissent, ceux qui se modifient, ceux qui s’ajoutent et font constamment évoluer les modèles en fonction des attentes du contexte où ils apparaissent.

Dans cette rubrique se rangent :

  • Des études sur des figures liées au domaine religieux, païen ou chrétien :  travaux de C. Jouanno sur la figure de Moïse dans les chroniques byzantines ; monographie d’E. Parmentier sur l’écriture de l’histoire du règne d’Hérode, centrée sur l’interférence constante du religieux dans le discours historique ; une enquête de C. Dumas-Reungoat sur les avatars d’Oannès, héros civilisateur amphibie des Mésopotamiens, dans la littérature et les arts de l’époque moderne (XVIIIe-XXe s.).
  • Des travaux autour des figures d’empereurs : travaux de C. Jouanno sur la figure d’Alexandre à Byzance ; les travaux en cours d’A. Gautier sur les rois et empereurs (réception du mur d’Hadrien, modèles fournis par l’Ancien Testament et par l’historiographie carolingienne pour écrire l’histoire des rois du Wessex (fin IXes) et sur le roi Arthur ; les travaux d’A. Gautier sur le médiévalisme (représentation et réception du Moyen Âge dans la culture contemporaine ; sur la « perception et reconstruction du passé dans les sociétés antiques et médiévales » A. Gautier travaille aussi sur la représentation et la réception du passé païen dans les sociétés récemment christianisées de l’Europe du Nord entre le VIIe et le XIIe s.
  • Des études sur les figures animales : travaux de F. Lecocq sur le phénix ; monographie de T. Buquet sur l’histoire de la girafe (savoirs zoologiques, iconographie, textes, histoire).
  • Des études sur les modèles littéraires : travaux d’A. Foucher sur la réécriture dans le cadre de la traduction : étude sur Rousseau traducteur de l’Apocoloquintose de Sénèque ; M-A. Lucas-Avenel continuera à interroger les modèles antiques et tardo-antiques de l’historiographie médiévale dans l’étude de la production historiographique normande, en approfondissant d’une part les emprunts de Geoffroi Malaterra à la littérature païenne et chrétienne et d’autre part en comparant les emprunts opérés par cet auteur à ceux des autres auteurs d’œuvres historiographiques produites en Italie et Normandie (en particulier Guillaume de Pouille, Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Jumièges, Guillaume de Poitiers, Orderic Vital).

Mémoire des livres et des bibliothèques

Le dernier volet s’intéresse à la conservation des textes, à la circulation des volumes et aux efforts de classification et d’inventaire, notamment dans le cadre des bibliothèques des abbayes normandes, Fécamp et le Mont Saint-Michel. Il est représenté par plusieurs travaux personnels et collectifs sur les bibliothèques, inventaires et les archives médiévales :

  • Recherches de S. Lecouteux sur la bibliothèque de l’abbaye de Fécamp et sur la transmission des manuscrits et des textes au sein des réseaux de confraternité. Sur le modèle de la réalisation de la bibliothèque virtuelle du Mont Saint-Michel, on programme la réalisation d’une plate-forme de bibliothèques virtuelles normandes (PBVM), bénédictines et cisterciennes, visant à assurer la mise en ligne d’un catalogue commun et interopérable et à étudier les réseaux intellectuels existant entre ces bibliothèques au Moyen Âge et à l’époque moderne.
  • Publication des actes du colloque Avranches/Mont saint Michel (2018) « Autour de la bibliothèque virtuelle du Mont Saint Michel », par M. Bisson et S. Lecouteux, en cours dans la revue Tabularia.
  • Travaux de G. Combalbert sur les archives cathédrales et épiscopales au Moyen Âge central.
  • Enrichissement régulier de la Bibliothèque Virtuelle du Mont Saint Michel : C. Jacquemard, M. Bisson, M-A. Lucas-Avenel, T. Buquet, B. Gauvin, O. Desbordes.

Programme 3 : Édition, traduction, médiatisation 

Au bout de la chaîne des savoirs se trouvent les lecteurs contemporains. Une dernière étape consiste pour les chercheurs à diffuser ce qu’ils savent du savoir antique et médiéval, par différents biais de valorisation et de médiatisation, récemment multipliés par l’essor du numérique et son introduction dans la recherche. L’essentiel de la médiatisation se fait toujours par le moyen proprement philologique d’éditions et/ou de traductions, dont la production sert de support aux recherches historiques ou littéraires précédemment répertoriées. Ces travaux peuvent prendre la forme traditionnelle de l’édition papier, de l’édition numérique ou exister sous les deux formes par le biais d’éditions multi-supports, réalisées grâce au solide partenariat établi avec le Pôle Document numérique de la MRSH de Caen et les Presses universitaires de Caen. Dans tous les cas, les exigences du travail d’édition sont rigoureusement observées et les produits de l’édition numérique sont citables, interopérables et référençables. Mais on présentera aussi d’autres réalisations permettant de donner accès aux savoirs anciens ou aux savoirs sur les périodes anciennes.

Éditer les textes littéraires 

Ressortissent au domaine de l’Antiquité : Les fragments de Bérose (édition, traduction et commentaire par C. Dumas-Reungoat) ; Les Antiquités juives de Flavius Josèphe (édition, traduction et commentaire d’E. Parmentier, en collaboration avec Étienne Nodet (EBAF) pour les éditions du Cerf ; le livre V des Deipnosophistes d’Athénée (édition, traduction et commentaire de L. Romeri) ; la Vie d’Ésope (Ier-IIe s.) (édition, traduction et commentaire de C. Jouanno, en collaboration avec Grammatiki Karla (Université d’Athènes) ; une anthologie de textes byzantins sur Alexandre (Images byzantines d’Alexandre) par C. Jouanno.

Pour la période médiévale, on peut citer : les poèmes de Serlon de Bayeux (édition, commentaire et double traduction française et anglaise par M.-A. Lucas-Avenel, en collaboration avec E. d’Angelo et M. Arbabzadah) ; les livres 3 et 4 de la chronique de Geoffroi de Malaterra, De rebus gestis Rogerii Calabriae et Siciliae comitis (édition multisuppport, traduction et commentaire de M.-A. Lucas-Avenel) ; les livres 6 et 7 du De natura rerum de Thomas de Cantimpré et du livre 24 du De animalibus d’Albert le Grand (édition multisupport, traduction et commentaire de B. Gauvin, C. Jacquemard, M.-A. Lucas-Avenel) ; un bestiaire inédit récemment redécouvert dans un manuscrit du Mont Saint-Michel (édition multisupport, traduction et commentaire par T. Buquet) ; édition critique multisupport par L. Chevalier du deuxième ordinaire liturgique du Mont Saint-Michel (Avranches, BM, ms 216, XVe siècle); l’édition numérique des inventaires de livres de l’ancienne bibliothèque du Mont Saint-Michel par M. Bisson (THECAE). A. Gautier prépare une introduction critique accompagnée de notes historiques à la traduction (réalisée par Stéphane Lebecq) d’un corpus d’œuvres « mineures » de Bède le Vénérable  et T. Buquet (avec M. Cipriani) prépare une étude (tradition textuelle et iconographie, notes marginales) du ms 320 de la bibliothèque de Valenciennes, important témoin du De natura rerum de Thomas de Cantimpré.

Toujours pour la période médiévale, à côté de ces travaux d’ecdotique émergent plusieurs projets de bases, bibliothèques, thesauri numériques, le plus souvent collectifs, étroitement liés aux thématiques développées sous d’autres aspects par les chercheurs : élaboration d’un répertoire bibliographique sur la faune du Grand Nord de l’époque carolingienne au XVIe s. par T. Buquet ; enrichissement et mise en ligne progressive (2020-2024) de la Bibliothèque Ichtya (B. Gauvin, T. Buquet, C. Jacquemard, M.-A. Lucas-Avenel) ; un thesaurus des ichtyonymes (1700 fiches) et une bibliographie sont associées ; projet de mise en place d’une bibliothèque numérique des textes littéraires des mondes normands médiévaux (M.-A. Lucas-Avenel) ; corpus numériques accompagnés de traductions autour de compilations réunies à l’abbaye du Mont Saint-Michel (C. Jacquemard).

Concernant l’époque moderne, sont prévus : le chapitre sur la girafe du Hierozoicon de Samuel Bochart (édition traduction, commentaire, à paraître dans un ouvrage collectif sur ce savant caennais, dirigé par P. Ageron) ; les deux volumes de Dialogues d’Ulrich von Hutten (édition, traduction et commentaire de B. Gauvin.

Éditer les textes documentaires

Ces textes ressortissent tous à la période médiévale.

On peut ainsi mentionner les travaux de rassemblement, édition critique et publication multimodale de corpus d’actes épiscopaux menés par G. Combalbert dans le cadre du projet ACTÉPI (ANR) et du projet NORÉCRIT (RIN):  actes des évêques de Lisieux, actes des archevêques de Rouen (1165-1229), actes des évêques de Bayeux (en collaboration avec R. Allen (Oxford) ; édition critique multi-support des coutumiers (L. Jean-Marie) ; les travaux de V. Gazeau : actes d’Hugues d’Amiens, archevêque de Rouen (1130-1164) ; les travaux d’E. Mancel : actes des archevêques de Rouen (1231-1275) avec la collaboration de G. Combalbert ; publication numérique du plus ancien pouillé normand conservé, le « registre des églises » des archevêques de Rouen (XIIIe siècle), avec la collaboration de G. Combalbert. Dans ce domaine figurent aussi la publication du censier de l’abbaye de Saint-Étienne de Caen pour le bourg de Trun (C. Maneuvrier, C. Lorren) ; la publication d’un volume de corrections et d’additions au corpus des inscriptions normandes du Moyen Âge (C. Maneuvrier ; J. Deshayes et alii) ; l’édition de la « Briev estoire del navigaige mounsire Jehan Prunaut » en Afrique. Forgerie du XVIIe siècle ou témoignage d’un texte médiéval ? (C. Maneuvrier ; F. Vieilliard) ; les travaux d’I. Bretthauer sur l’édition du manuel de Guillaume Flambart. On notera pour finir le projet de réédition de la chronique du Bec, ainsi qu’une édition numérique du corpus des annales monastiques normandes (F. Paquet).

Traiter la documentation matérielle aujourd’hui

Enfin les travaux récents menés au sein du Craham ont fait émerger des interrogations collectives sur le traitement des sources, quelle que soit leur nature, littéraire ou documentaire, dans les différents domaines que sont la littérature, l’histoire ou l’archéologie.

Dans ce cadre, qui associe des membres des trois thèmes, prennent place les travaux de D. Rego sur la construction du savoir archéologique et pratiques de l’écrit chez l’archéologue à partir du site archéologique de Trainecourt. A partir de l’ensemble très hétérogène de documents sur papier produits lors de la fouille (carnets de fouille, classeurs, notes éparses, rapports, photographies annotées, etc.) on s’interroge sur le processus de création du savoir archéologique et sur sa transmission. Ces questions résultent des problématiques abordées par le projet ARCHEAN. Des comparaisons sont établies avec d’autres fouilles anciennes dont les dossiers sont aujourd’hui repris. C’est le cas des fouilles du château de Caen menées par Bénédicte Guillot qui s’intéresse donc au fonds de M. de Boüard.

On réfléchit aussi aux modalités d’une réflexion collective et épistémologique sur le traitement des sources destinée à faire émerger un faisceau de pratiques communes sur les modalités d’interrogation des textes et documents (C. Dumas-Reungoat, Th. Cardon). Les recherches actuelles d’I. Bretthauer sur la constitution d’un corpus d’ardoises gravées s’inscrivent dans cette réflexion tout en croisant pratiques professionnelles d’archéologues et ouverture à de nouveaux corpus documentaires pour les historiens. La recherche et l’identification de ces artefacts ne sont rendues possibles que par des liens renforcés entre les deux domaines scientifiques. Ces questions sont en partie liées à celles de l’axe transversal « Érudition et numérique ».