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Appel à communication : La réception des mythes grecs liés à la nature et au vivant

  • Dernière modification de la publication :18 novembre 2024
  • Post category: Appel à communication

La réception des mythes grecs liés à la nature et au vivant
Textes et images (XIVe-XVIe siècles)

Colloque international – ERC AGRELITA
5 & 6 juin 2025 à l’Université de Caen Normandie

Date limite de l’appel à communication : 30 janvier 2025

ERC Advanced Grant AGRELITA • The Reception of Ancient Greece in Premodern French Literature and Illustrations of Manuscripts and Printed Books (1320-1550): how invented memories shaped the identity of European communities[1].
En savoir plus sur le projet : https://agrelita.hypotheses.org/

This project has received funding from the European Commission’s Horizon 2020 Research and Innovation programme under grant agreement No 101018777.

Orphée charmant les animaux, Ovide moralisé,
fin du XIVe s., parchemin,
dessin à la plume, 30,9 x 25 cm,
Paris, BnF, Français 871, f. 196v

Argumentaire

  • Ce colloque international a pour but de fédérer des chercheurs et chercheuses d’horizons variés autour de la réception des mythes grecs relatifs à la nature et au vivant dans les textes, manuscrits et imprimés, réalisés entre 1300 et les années 1550. Il s’agira d’interroger la fortune, la réinterprétation et les nouvelles exploitations des mythes grecs qui laissent la part belle au monde « naturel » dans ses acceptions les plus larges. Quels sont les mythes grecs liés à la nature et au vivant réécrits et mis en images du XIVe au XVIe siècle en Europe ? Par quels intermédiaires et quels filtres ? Dans quels types de texte et d’image ? Avec quelles significations et à quelles fins ? Comment, de la Grèce ancienne à l’Europe médiévale et renaissante, les représentations de la nature et du vivant, des relations de l’humain avec le non humain, du divin avec la nature qu’offraient ces mythes grecs sont-elles transmises et réinterprétées ?
  • Les notions de nature et de vivant, qui font l’objet d’amples réflexions dans notre monde actuel, sont toujours très délicates à définir, d’autant que leur sens évolue d’une époque à l’autre[1]. Ce colloque ne porte pas directement sur la question générale des conceptions/perceptions de la nature dans l’Antiquité et dans le monde pré-moderne, ni sur la problématique d’ensemble de l’évolution des notions de « nature » et de « vivant » de l’Antiquité jusqu’aux XIVe-XVIe siècles. Son objet est celui de la réception de représentations de la nature et du vivant qui étaient liées en Grèce ancienne, puis dans la Rome antique, à des formes d’écriture particulières : celles des récits mythiques.
  • En Grèce ancienne, la « nature » (phusis) relève d’une vision dynamique du monde qui englobe aussi bien les êtres terrestres que les êtres célestes et infernaux. Riche matière à spéculation, la nature s’entend, par exemple, au sens de puissance démiurgique et souveraine. En cela elle se confond, à différents degrés, avec le divin. Dans les mythes grecs, transmis ensuite à Rome, les dieux incarnent et gouvernent le monde naturel. Leur venue à l’être se fait parfois avec le concours des éléments : les eaux primordiales, ensemencées par le sang du sexe tranché d’Ouranos (le Ciel), donnent naissance à Aphrodite. De même, les lieux de la nature – forêts, îles, mers, déserts mais aussi jardins, champs et sources – sont à la fois peuplés d’êtres humains et d’êtres divins ou fabuleux qui participent de son règne et qui interagissent avec toutes les catégories du vivant et de l’inanimé : espèces végétales et animales, minéraux, corps célestes et constellations, saisons, reliefs et formations géologiques. Les frontières de ces catégories n’en demeurent pas moins fragiles. L’image d’un cosmos ordonné, hiérarchisé, où le genre humain tient une place prépondérante, se fonde sur d’incessantes transformations, sur des dynamiques de flux et de reflux, entre âge d’or et périodes de décadence[2].
  • Ces mythes grecs, attachés au temps des origines, aux figures divines et héroïques, les auteurs et les artistes de la fin du Moyen Âge et du XVIe siècle les appellent souvent les « fables des poètes ». Ils se passionnent pour ces récits, pour leur sens littéral, pour les sens historique et allégoriques qu’ils leur confèrent souvent. En s’appropriant les représentations de la nature et du vivant qui leur sont attachées, dans quelle mesure les renouvellent-ils ?
  • L’étude de la réception implique en effet l’examen des transformations, plus ou moins manifestes et importantes, de ces mythes transmis à l’Europe des XIVe-XVIe siècles, souvent par des intermédiaires. Les nouvelles formes littéraires et visuelles qui leur sont données engagent des perspectives de recherche historiques, littéraires, philosophiques et scientifiques sur les représentations de la nature et du vivant qu’elles contiennent, sur ce qu’elles révèlent des intérêts et préoccupations des lecteurs et lectrices de la période considérée. Pour donner une idée, encore schématique, des textes où ces mythes se multiplient entre le xive et le xvie siècle, on peut mentionner des traductions d’ouvrages latins et, à la fin de la période, d’ouvrages grecs, parfois avec des médiations latines, des œuvres mythographiques, des chroniques, des encyclopédies, des traités de morale et autres ouvrages didactiques, des traités scientifiques, sans oublier les romans et les textes poétiques, rédigés aussi bien en latin, en grec qu’en langues vernaculaires. Ces manuscrits et imprimés comportent souvent un décor. Représentations textuelles et visuelles du mythe sont ainsi juxtaposées, les secondes ne constituant jamais les illustrations des premières mais plutôt leur prolongement. Issues ou non de modèles préexistants, les miniatures ou les vignettes produisent du sens, enrichissent celui du texte, confortent l’artiste ou son atelier dans son rôle d’inventeur de nouvelles formes, de nouveaux « montages » narratifs.
  • Ainsi, à partir du XIVe siècle et jusqu’au milieu du XVIe siècle, que retient-on de cette pensée mythique de la nature et du vivant ? Comment est-elle transmise ? Quelle place trouve-t-elle dans le monde du livre et du décor livresque, alors que l’univers mental des hommes et des femmes de ce temps est façonné par l’imaginaire chrétien de la Création ? Si, au Moyen Âge, la nature et tout ce qu’elle contient, ses éléments animés ou inanimés, les différentes formes du vivant, sont pensés en relation avec la doctrine chrétienne – pour laquelle la Nature prolonge l’œuvre du Créateur –, les mythes grecs font aussi l’objet de réinterprétations qui peuvent sinon (ré)concilier, du moins atténuer les divergences entre des conceptions chrétienne et païenne de la nature. Reste à savoir comment ces récits font sens dans les sociétés chrétiennes de l’Europe pré-moderne ; comment les représentations de la nature et du vivant que véhiculaient les mythes grecs sont réactualisées et parfois modifiées.
  • Par ailleurs, dans la pensée mythique, l’invention technologique pour s’approprier, aménager, exploiter et dominer la nature vise autant à en dépasser les lois qu’à en découvrir les « secrets ». Pierre Hadot n’a pas manqué de souligner non pas le dualisme mais bien la complémentarité d’une attitude dite prométhéenne (de conquête, de domination de la nature) vis-à-vis d’une attitude orphique qui, elle, implique une relation plus harmonieuse entre l’homme et l’environnement[3]. Mais qu’en est-il de cette complémentarité dans la réception des mythes grecs à travers textes et images ? Dans la réalité historique, entre le XIVe et le XVIe siècle, l’assujettissement de ce qui relève de la nature, transformée en ressources, par les communautés humaines européennes, ne correspond pas encore à une séparation claire entre nature et société, l’homme ne se pense pas encore comme étant en dehors de la nature. Le partage entre nature et culture tel que Philippe Descola l’a défini dans l’« ontologie naturaliste[4] » semble commencer à apparaître mais il ne correspond pas à ce qu’il sera dans les siècles ultérieurs. Que retiennent les auteurs et artistes des représentations des interactions entre l’humain et la nature d’après les mythes grecs ?
  • Eu égard à notre volonté de croiser les savoirs textuels et visuels, les propositions de communication pourront s’inscrire dans les champs disciplinaires de l’histoire, de la littérature médiévale et moderne, de l’histoire du livre, de l’histoire de l’art, de la philosophie, de l’histoire des sciences ou des humanités environnementales. Sans exclure d’autres perspectives sur le thème de la réception des mythes grecs entre le XIVe et le XVIe siècle, les axes envisagés pour ce colloque sont les suivants :
  • Transmissions et réécritures : les contextes littéraires ou scientifiques où le mythe trouve une nouvelle place, sa mise en récit, l’articulation du mythe avec d’autres sources et matériaux, et les mises en images pré-modernes des mythes grecs de la nature.
  • Évolution du XIVe au XVIe siècle, dans les réécritures et les mises en images des mythes grecs, des représentations de la « Nature » – entre puissance surnaturelle divinisée ou non, allégorie polysémique et figure de la création – et des divinités grecques qui investissent ou personnifient différents aspects de la nature.
  • Réception des mythes cosmogoniques grecs tout comme, hors du contexte des origines du monde, des mythes relatifs à la naissance des êtres selon des modalités narratives variées : récits d’accouchement, germination, éruption, jaillissement, chute, etc. en tant que mythes étiologiques ; réceptions de mythes qui expliquent les phénomènes naturels.
  • Métamorphose, affaire des dieux : réceptions des récits de métamorphose animale, végétale, minérale ou autre, en tant que mode d’expression de la divinité ; domination des êtres terrestres ou don d’un refuge naturel.
  • Réception des mythes relatifs aux interactions plus ou moins violentes entre l’humain et la nature : les récits mythiques de l’exploitation de la nature comme ressource, de son anthropisation ou de sa domination ; les histoires mettant en scène la capacité du genre humain à imiter la nature, à braver des interdits ou des lois considérées comme naturelles (guérir, ressusciter, immortaliser, donner la vie, envoûter par magie) ; à l’inverse, la fragilité de l’homme face aux phénomènes naturels.
  • Réception des mythes de l’union, de la concorde entre les êtres, humains ou non humains, animés ou inanimés : images de la continuité et de l’unité harmonieuse entre les différents éléments de la nature et du vivant ; héros et héroïnes, divinités et êtres hybrides qui assujettissent les forces les plus primaires de la nature, qui la pacifient, ou qui inspirent une vision harmonieuse du monde ; espaces idylliques, dans les mythes grecs réactualisés, dont les représentations laissent place à des topoi artistiques et esthétiques très riches : description imaginaire, ou réelle, de l’environnement, des espaces naturels et territoires anthropisés, variété et importance du paysage dans l’image, etc.
  • Nouvelles vies des hybrides et des êtres « fabuleux » des mythes grecs représentés dans leurs environnements imaginés, réception des « merveilles » mythiques de la nature.
  • Création de nouveaux mythes relatifs à la nature et au vivant qui s’inspirent des mythes grecs.

Modalités de soumission

Les propositions, en français ou en anglais (titre et résumé de 200-300 mots, bref CV) sont à adresser au plus tard le 30 janvier 2025 aux adresses suivantes : catherine.gaullier-bougassas@unicaen.fr et laure.cebe@unicaen.fr
Après examen des propositions, l’acceptation sera notifiée début mars 2025.

Voir aussi : https://agrelita.hypotheses.org/6216
Les articles issus des communications seront publiés chez Brepols dans la collection « Recherches sur les Réceptions de l’Antiquité » (https://www.brepols.net/series/RRA).
Les frais de déplacement et d’hébergement seront pris en charge selon les modalités de l’Université de Caen Normandie.

Organisation

  • Catherine Gaullier-Bougassas, Professeure des universités en langue et littérature médiévales françaises, ERC Agrelita (Principal Investigator), Craham (UMR 6273), Université de Caen Normandie
  • Angèle Tence, Post-doctorante en histoire de l’art, ERC Agrelita, Craham (UMR 6273), Université de Caen Normandie
  • Laure Cébe, Project Manager, ERC Agrelita, Craham (UMR 6273), Université de Caen Normandie

Notes

[1] Pierre Hadot, Le Voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de Nature, Paris, Gallimard, 2004 ; Les confins incertains de la nature (xiie-xvie siècles), dir. Roberto Poma, Maria Sorokina, Nicolas Weill-Parot, Paris, Vrin, 2021.
[2] Michel Jeanneret, Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des œuvres de Vinci à Montaigne, Genève, Droz, 2016 (éd. or. 1997).
[3] Pierre Hadot, Le Voile d’Isis, op. cit.
[4] Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005 ; id., Les Formes du visible. Une anthropologie de la figuration, Paris, Éditions du Seuil, 2021.