Le thème 2 du projet 2022-2026 a pour principal objectif de considérer conjointement hommes et femmes, culture matérielle et organisation de l’espace à travers tous les types de sources disponibles.
Il est articulé en quatre programmes :
- Programme 1. Santé, populations et environnements des sociétés historiques
- Programme 2. Productions, usages, déchets et recyclages, de l’Antiquité aux Temps modernes
- Programme 3. Échanges transatlantiques : Amérique et Afrique, XIVe-début du XIXe s.
- Programme 4. Temps long de l’archéologie : exploitation des sources, conservation, méthodes et interprétations
NB. : certains projets concernant spécifiquement l’archéologie normande sont rattachés au thème 1.
Programme 1. Santé, populations et environnements des sociétés historiques
Coordination : C. Chapelain de Seréville-Niel et D. Jeanne
Autour des sépultures : pratiques funéraires de l’Antiquité aux Temps modernes
Le contrat actuel verra l’achèvement des recherches coordonnées depuis 2013 sur la nécropole mérovingienne de Saint-Dizier/Les Crassets (Haute-Marne). Le PCR sur les cercueils en plomb de Notre-Dame de Flers (Orne) a été élargi par une étude plus globale sur les cercueils de plomb des familles nobiliaires normandes et sur l’embaumement aux XVIIe-XVIIIe s., qui débouchera sur plusieurs manifestations et sur une publication. L’étude du cimetière paroissial de Lion-sur-Mer (Calvados) concerne un ensemble original, par son caractère littoral et par la présence probable d’une communauté protestante ; il est prévu d’y associer une exploitation des sources textuelles. Après une première approche du sujet lors du contrat précédent, la question des sépultures en silo du premier Moyen Âge fait l’objet d’un travail collectif. Enfin, le colloque du Groupe d’Anthropologie et d’Archéologie Funéraire sur la mortalité maternelle de l’Antiquité à la période moderne sera organisé à Caen en 2025.
Vivre et mourir : origine, recrutement, état sanitaire et épidémiologie des populations historiques
L’étude des 500 individus de l’Aître Saint-Maclou, cimetière de pestiférés à Rouen (XIVe-XVIIIe s.) permet de développer des analyses spécialisées en épidémiologie, qui seront intégrées à une analyse pluridisciplinaire plus large de l’étude du bâtiment et de son cimetière, destinées à une publication grand public puis à une monographie scientifique. Les travaux méthodologiques de paléodémographie menés en collaboration avec l’Ined-Cepam (Nice) porteront notamment sur l’estimation de la structure par âge d’une population à partir des anneaux cémentaires, sur la détection de crises démographiques et sur la mortalité périnatale à partir des séries osseuses conservées au Craham. La participation aux travaux du réseau thématique de l’Ined IN-HOPPE (International Network – Historical and Osteoarchaeological Past Populations Exploration) se poursuit également.
La collaboration au projet Recherche ANCESTOR (ANomalies de Croissance dES populaTions nOrmandes immatuRes (IVe au XVIIe s.), avec la SFR 4206 ICORE CMABio3 et l’UMS 3408 CYCERON, financé par le Conseil régional Normandie et le fonds FEDER, vise à comparer quatre méthodes de détection des perturbations de la trame osseuse à l’aide d’outils biomédicaux et de techniques d’imagerie rarement accessibles aux archéologues. L’expérimentation de ces techniques non invasives débouchera sur la conception d’un outil d’aide au diagnostic utile aux recherches sur la nutrition, les carences alimentaires, les maladies et leur prise en charge.
Parallèlement, le service d’archéo-anthropologie souhaiterait développer un nouveau champ de compétences peu présent en France par le recours aux analyses isotopiques des restes humains et animaux des périodes historiques découverts en contexte archéologique, afin d’étudier les comportements alimentaires et le mode de vie des populations du passé. Dans un premier temps, il s’agira de recourir aux équipements de plateformes et laboratoires de l’université (Plateau d’Isotopie de Normandie, UMR INRA-UCN 950). Les compétences réunies dans le laboratoire et la vaste collection ostéologique disponible (11 500 individus) permettent cette évolution, d’abord à partir d’études régionales ciblées (accroissement des données déjà acquises sur la nécropole Michelet à Lisieux et étude de la population lépreuse de Saint-Thomas d’Aizier, qui fera l’objet de nouvelles études spécialisées après la publication de la monographie du site.
Le laboratoire s’associe au programme de recherche sur le monastère rupestre de San Pedro de Rocas (Galice, Espagne), dont l’un des volets concerne l’analyse bioanthropologique (ADN ancien, isotopes) et paléoanthropologique des populations du cimetière. Une autre fouille programmée envisagée associera étroitement étude des sources textuelles et recherches archéologiques de terrain : celle de la léproserie Saint-Nicolas de Creully (Calvados, XIIe–XVIe s.) permettra de perpétuer les études menées sur la santé et les épidémies en Normandie, en s’attachant à un site occupé dans la longue durée.
Concernant la connaissance des pratiques alimentaires à partir des sources écrites et archéologiques, quatre chapitres de synthèse sur l’Antiquité tardive, le monde byzantin et le haut Moyen Âge occidental sont en préparation pour un ouvrage de référence sur Histoire de l’alimentation.
Programme 2. Productions, usages, déchets et recyclages, de l’Antiquité aux Temps modernes
Coordination : Pierre-Marie Guihard et Bénédicte Guillot
Concepts, méthodes, analyse des assemblages
Les réflexions initiées sur les relations entre hommes et objets se poursuivent. Des séances régulières de séminaires sont de plus consacrées au thème « Sources, méthodes et relectures de l’étude du mobilier médiéval et moderne ». Elles permettent de tester des concepts ou d’insister sur des sources trop peu utilisées par les spécialistes de la culture matérielle (par exemple les tarifs de coutumes, dont les exemples normands sont en cours d’édition).
À la confluence des programmes 1 et 2, un PCR consacré à la gestion des déchets et à la salubrité est centré sur la ville de Rouen, au travers de trois décharges publiques du XVIe s. récemment découvertes. Il débouchera sur un colloque qui permettra une ouverture vers les autres villes normandes.
La typo-chronologie des monnaies et des objets monétiformes est également abordée dans la perspective de l’évolution des méthodes de classification numismatique initiée récemment, qui donne lieu à un reclassement collectif des espèces médiévales. Les applications portent sur les monnayages des ducs de Bretagne et du Dauphiné sous François Ier, sur l’élaboration de référentiels régionaux des méreaux des XIIe-XIVe s. et sur la publication d’espèces et de sous-espèces inédites.
Monnaies et sociétés
L’étude du faux-monnayage se poursuit selon plusieurs voies : l’achèvement du programme sur les moules monétaires du IVe s. de Qasr-Qarun (Égypte), financé et – à terme – publié par l’IFAO ; un projet d’étude des moules monétaires antiques de Trèves et la poursuite des expérimentations sur la production de fausse monnaie menées sur la plateforme des arts du feu de Melle. L’exploration des usages du fait monétaire dans la société se poursuit à plusieurs niveaux. En collaboration avec le Römischen-Germanischen Zentralmuseum (Mayence), une table ronde et un colloque seront consacrés aux thèmes suivants : « Métallisme versus nominalisme : la perception de la monnaie par l’État et les usagers » et « Transporter la monnaie (Coins and ships) dans le monde antique et byzantin » (musée des Bateaux de Mayence). L’élaboration conceptuelle des « monnaies de camp » est initiée par une session du Congrès international d’histoire économique (Paris, 2022), intitulée « Monnaies, salariat, contrôle social (Antiquité-XXe s.) », avant des développements ultérieurs et l’analyse de la circulation monétaire médiévale et moderne continuera d’être envisagée en multipliant les études de cas : châteaux, sites ruraux, établissements religieux. Parmi les travaux qui aboutiront avant la fin du contrat, citons enfin la publication, avec l’Inrap et l’Iramat (Orléans), du trésor gaulois de Bassing dans la collection Trésors Monétaires de la BnF ; le catalogue des trouvailles d’argent monnayé des Ve-VIe s., dans la continuité du programme ITAM, conjointement publié en ligne et par les éditions du RGZM ; une contribution importante au PCR « Monnaies et monnayages dans l’espace lorrain » (MONELOR), de la Protohistoire aux Temps modernes, initié en 2020 et une évolution de la base NUMMUS, en l’élargissant par un réseau de correspondants et en passant à la TEI et l’étude de plus de 5 000 monnaies antiques recueillies par J.-M. Thaurin lors du travaux dans la ville de Rouen à partir de 1839 et conservées dans le médaillier du musée des Antiquités de Rouen.
Production et consommation de la vaisselle et des terres cuites architecturales
Le début du contrat 2022-2026 verra l’achèvement des recherches menées sur les tuileries médiévales et modernes de Barbery (Calvados) et des travaux sur les terres cuites architecturales de l’abbaye de Preuilly (Seine-et-Marne). La publication du projet de recherches sur la céramique médiévale francilienne (XIe-XVe s.) est également envisagée durant ce quinquennal. Des participations à des projets collectifs extérieurs, en particulier l’étude des céramiques à dégraissant coquillier dans le cadre du PCR Archéol, ces dernières sont présentes sur des sites du Néolithique jusqu’à la fin du Moyen Âge. De même, dans le cadre du PCR portant sur la commune de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), l’étude de la céramique donnera lieu à une synthèse sur l’approvisionnement et la consommation de cette dernière dans ce finage. La réflexion sur l’usage des céramiques médiévales à partir des traces et dépôts est toujours d’actualité et donne lieu à des collaborations avec des laboratoires d’analyses et des expérimentateurs. Une publication du corpus des molettes mérovingiennes mises au jour en Île-de-France est également projetée, de même qu’une collaboration avec un chercheur de l’Université de Liège sur la diffusion de ces décors.
Le service d’archéométrie-céramologie est partenaire du projet Microcosmos, déposé par J.-C. Avice (UMR INRAE-UNICAEN 950 EVA) dans le cadre du CPER 2021-2027. Ce projet a pour objet la demande d’équipements scientifiques pour constituer un réseau normand d’experts scientifiques et techniques dans le domaine de la recherche sur la gestion durable des ressources naturelles, la préservation des écosystèmes ainsi que l’évaluation et la maîtrise du risque climatique et environnemental grâce au développement de compétences synergiques et originales en microfluidique, microscopie et analyses de micro-environnements. Un des outils d’analyse de pointe qui sera acquis en 2026 par la plateforme Platin’ (LA-ICP-MSHR) permettra l’analyse non invasive de la composition élémentaire jusqu’à l’ultra-trace d’éléments constitutifs des archéomatériaux telles les céramiques mais aussi la composition des dents. Des collaborations régulières existent également avec le laboratoire LETG-Caen et l’IRAMAT-CRP2A-Rennes. Les autres projets consacrés à la vaisselle céramique sont abordés dans le programme 3.
De l’objet-livre aux artefacts en métal, verre, pierre et matières osseuses
Au-delà des classiques typo-chronologies, d’autres catégories de mobilier seront étudiées en croisant toutes les sources disponibles et les approches archéométriques. L’objet-livre est abordé à travers l’étude matérielle des manuscrits dans la suite des travaux menés Mont-Saint-Michel, d’autres fonds normands seront interrogés. Les recherches sur les meubles médiévaux donneront lieu à un projet visant à mieux connaître leur construction et leur datation, en particulier concernant les armoires médiévales conservées en France. Les recherches consacrées à la morphologie, aux usages et à la diffusion des productions de mortiers en pierre dans le nord de la France et en Belgique depuis la fin de l’âge du Fer se poursuivent et s’ouvrent vers une étude des mesures de capacité normandes. Le mobilier métallique du premier Moyen Âge, et en particulier la composition des objets de parure en alliages cuivreux ont fait l’objet d’une première approche pour les collections du site de la Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) et plusieurs membres du laboratoire souhaitent étendre cette lecture à d’autres séries pour mieux cerner la production, la typologie et la composition de ces mobiliers.
Programme 3. Échanges transatlantiques : Amérique et Afrique, XIVe-début du XIXe s.
Coordination : A. Bocquet-Liénard et J. Soulat
Amérique et Antilles
Le contrat en cours verra la publication du PCR « Les céramiques de raffinage du sucre en France : émergences et diffusions de part et d’autre de l’Atlantique du XVIe au XIXe siècle ». La poursuite des échanges sur les « Connexions transatlantiques (France et pays voisins) avec les colonies françaises d’Amérique. Petits objets (métal, verre) » donnera lieu à un colloque à l’université Laval ou à l’université des Antilles.
La collaboration du laboratoire aux travaux menés sur l’archéologie de la piraterie se prolonge par l’étude du mobilier issu de plusieurs épaves du XVIIIe s. Pour la vaisselle céramique, un PCR international intitulé « Des confins occidentaux de la France aux îles d’Amérique : vaisselle de table, de cuisine et de conservation importées du XVIIe au XIXe siècle (Antilles, Canada) » sera d’abord centré sur les grés et les faïences, encore mal caractérisés, et témoins privilégiés du commerce de contenus comme le beurre. Il trouvera un pendant métropolitain dans le PCR sur « Les terres cuites allochtones dans les ports de la façade atlantique française aux périodes médiévale et moderne », dans lequel s’articuleront les approches céramologiques, archéométriques et archivistiques. Le Drake manuscript, recueil de 1586 sur la flore, la faune et la vie quotidienne sur les côtes américaines, probablement réalisé par un normand, fait l’objet d’un travail d’édition collectif.
Afrique subsaharienne
La collecte des témoignages textuels et iconographiques sur les expéditions normandes vers l’Afrique du XVe au XVIIe siècle devrait déboucher sur la restitution cartographique de l’emplacement des bases installées à partir du XIVe s. par les marins dieppois sur les côtes d’Afrique de l’Ouest (Petit-Dieppe, etc.) et sur une nouvelle édition critique du récit du cartographe du XVIIe s. Villaut de Bellefond. De même, un projet d’édition bilingue des écrits inédits de Jean Godot (début du XVIIIe s.) concernant le golfe de Guinée a été soumis au National Endowment for the Humanities), en collaboration avec des chercheurs américains et italien.
Sur le terrain, la participation à la mission archéologique d’île Ife Sungbo au Nigéria (dir. G. Chouin, College William et Mary, Virginie) se poursuivra. Dans le cadre des stages de formation, des collections anthropologiques ont commencé à être reprises, comme celle de la fouille de Benin City (1960). En matière de céramologie, ce sont les céramiques issues des fouilles d’Ile Ife qui serviront d’outil pédagogique pour les étudiants nigérians. Depuis 2021, le laboratoire participe également à un projet de prospection terrestre et sous-marine sur l’île Sainte-Marie à Madagascar, base pirate de 1680 à 1730.
Programme 4. Temps long de l’archéologie : exploitation des sources, conservation, méthodes et interprétations
Coordination : L. Bourgeois et R. Jonvel
Ce programme vise à publier des sites archéologiques majeurs qui ont été fouillés anciennement, ce qui oblige à réfléchir à l’usage d’une documentation ne répondant plus aux normes actuelles, ou ont connu des opérations de longue durée livrant une telle masse d’informations que celle-ci devient très complexe à traiter.
Le projet Archean adossé au consortium MASA a ouvert cette réflexion en faisant de la publication numérique un moyen efficient d’assurer la diffusion des travaux. Réunir ces projets dans un même programme invite à partager les réflexions de méthode (redocumentarisation, sélection des données, analyse logiciste, synthèse des assemblages, édition numérique, mise en valeur des sites) facilitant l’aboutissement de publications mais également leur mise en valeur.
Antiquité
Pour la période gallo-romaine, le complexe cultuel antique de Baron-sur-Odon (Calvados), occupé du IVe s. av. J.-C. à la fin de l’Antiquité, fait l’objet d’un PCR permettant de reprendre l’étude du mobilier et d’effectuer une prospection géoradar, avant la mise en place de nouvelles fouilles à l’horizon 2023. Les recherches menées sur l’agglomération de Valognes/Alauna (Manche) permettront, à terme, de disposer des résultats d’une prospection géophysique sur plus de 50 ha et de publier une synthèse des connaissances réunies sur ce site.
Moyen Âge et Temps modernes
Pour les sites médiévaux et modernes, l’étude croisée des fouilles anciennes et de l’opération préventive récemment menée sur le vaste cimetière haut-médiéval de Vitry-la-Ville (Marne) constituera un premier « cas pratique » intéressant ce programme. Dans le même esprit, la publication numérique du village-rue de Trainecourt à Grentheville (Calvados) aboutira au cours du nouveau contrat. Après l’achèvement de la fouille du site de hauteur carolingien de Murat (Creuse) en 2021, une phase d’étude et de publication s’ouvrira, avec le projet d’entamer parallèlement des recherches sur l’ancienne église établie en contrebas. Au château de Boves (Somme), fouillé depuis 1994, une nouvelle opération triennale a débuté en 2021, qui permettra d’aboutir à une lecture globale des 28 000 m2 de la basse-cour. Le nouveau contrat verra l’achèvement du PCR sur le château de Caen et la confrontation des données archivistiques et archéologiques réunies. Le château des ducs de Bretagne à Suscinio (Morbihan) fait l’objet d’une nouvelle opération programmée triennale jusqu’en 2022, qui sera suivie de la réalisation d’une monographie et d’une valorisation du site. Site emblématique de ce temps long de l’archéologue, la ville antique, médiévale et moderne de Thérouanne (Pas-de-Calais), rasée en 1553, a fait l’objet de 130 opérations de fouilles et de nombreux ramassages, le PCR entrepris en 2014 visait à réunir l’ensemble de la documentation et des objets et de les confronter aux résultats de prospections géophysiques et Lidar. Il s’agira, au cours du nouveau contrat, de faire la synthèse des résultats. Enfin, dans l’optique d’une mise en série, la multiplication des études sur les châteaux et les abbayes fondés ou tenus par ce lignage incite à l’organisation d’un colloque autour de l’histoire et de l’architecture des Rohan, qui concernera plusieurs membres du laboratoire.